Situation sécuritaire à l’Est de la RDC : Analyse stratégique de Léonard Shé Okitundu face à l’agression et aux enjeux régionaux
Profondément consterné par l’occupation d’une large portion du territoire congolais dans les provinces du Nord et Sud Kivu par l’armée rwandaise et ses proxys congolais, le tout premier député national de Lumumbaville, Léonard Shé Okitundu a livré à l’opinion nationale et internationale son analyse des différents aspects que comporte cet acte gravement déstabilisateur de l’ordre public tant national que régional.
By: Journal Libre Debat
5/27/202510 min read


Situation sécuritaire à l’Est de la RDC
Profondément consterné par l’occupation d’une large portion du territoire congolais dans les provinces du Nord et Sud Kivu par l’armée rwandaise et ses proxys congolais, le tout premier député national de Lumumbaville, Léonard Shé Okitundu a livré à l’opinion nationale et internationale son analyse des différents aspects que comporte cet acte gravement déstabilisateur de l’ordre public tant national que régional.
Homme politique, juriste, fin diplomate rompu dans l’art de la négociation et de règlement des conflits entre Etats, le père de la diplomatie souverainiste congolaise qui maitrise à fond le droit international et les méandres des relations internationales fait une autopsie objective et scientifique sur l’agression dont la RDC est victime dans sa partie Est, notamment dans les provinces du Nord et Sud-Kivu. Grâce à sa longue expérience sur ce dossier particulier, mû par le patriotisme et l’esprit nationaliste qui ont toujours motivé son action politique, Shé Okitundu a aussi proposé des pistes de solutions idoines pour mettre fin à la crise.
Son analyse a concerné les cinq aspects suivants :
Du crime de l’agression ;
De la rébellion ;
Du dialogue à l’interne ;
De la déclaration des principes ;
Du partenariat stratégique entre la RDC et USA.
MA POSITION SUR CERTAINS ASPECTS SAILLANTS DE LA CRISE SECURITAIRE DANS L’EST DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Profondément consterné par l’occupation d’une large portion du territoire congolais dans les provinces du Nord et Sud Kivu par l’armée rwandaise et ses proxys congolais, il me revient de vous livrer mon analyse des différents aspects que comporte cet acte gravement déstabilisateur de l’ordre public tant national que régional.
I. Du crime d’agression D’entrée de jeu, il y a lieu de réitérer avec véhémence la condamnation sans détour de cette occupation manifestement constitutive du crime d’agression dans la mesure où elle porte gravement atteinte aux principes et objectifs fondamentaux ainsi qu’aux dispositions pertinentes respectivement de la Charte des Nations Unies (article 2 § 4), de l’Acte constitutif de l’Union Africaine (article 4 (f,g,i)) et des divers Instruments juridiques régionaux, en l’occurrence, l’égalité souveraine des États, l’interdiction absolue du recours à la force dans les relations internationales, l’inviolabilité de l’intégrité territoriale et la non-ingérence dans les affaires internes des États. En effet, selon l’article 2 § 4, de la Charte des Nations Unies, « les membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».
Le crime d’agression a été défini par la Résolution 3314 de l’Assemblée Générale des Nations Unies. La Cour Internationale de Justice a reconnu à deux reprises le caractère coutumier de cette définition, laquelle a été consacrée par l’article 8bis du Statut de Rome portant création de la Cour Pénale Internationale.
Il s’ensuit que la prohibition du recours à la force armée est une règle fondamentale d’ordre public relevant de jus cogens. Ainsi défini, le crime d’agression comprend deux éléments : il suppose d’abord que l’Etat agresseur utilise amplement la force armée, et ensuite qu’il le fait en violation de la Charte des Nations Unies. En espèce, les deux conditions sont largement remplies. Face à cette agression, un consensus général s’est dégagé tant au plan interne qu’au sein de la Communauté internationale pour privilégier une solution diplomatique au détriment d’une riposte militaire vu l’hypersensibilité de la sous-région en crise et le risque des conséquences dévastatrices que générerait humainement voire matériellement une conflagration incontrôlable.
A cet égard, sans préjudice du rôle formel incontournable de l’Union africaine et encore moins de l’initiative informelle de Doha, il y a lieu de saluer la facilitation américaine non moins informelle mais particulièrement prometteuse, dans la mesure où les USA sont, dans le système politique anarchique qui régit les relations internationales, le seul pays dont le Chef de l’Etat, par sa prééminence sur le plan respectivement diplomatique, économique et militaire, est en mesure d’exercer, au besoin, une influence déterminante
[3] sur les protagonistes au conflit, en vue d’une sortie de crise pérenne. L’anarchie dont il question en l’espèce ne doit pas être compris au sens commun de désordre mais plutôt au sens savant de carence institutionnelle et de vacance d’un « gouvernement mondial » en guise d’autorité centrale supérieure aux États et détenant le monopole de la violence légitime dans un contexte international où règne encore le statocentrisme structurant l’organisation internationale et faisant de l’Etat le protagoniste principal sur la scène internationale même si ce statut est largement remis en question avec l’émergence d’acteurs non étatiques.
Partant, est-il de haute politique que les négociateurs congolais s’inscrivent, dans les pourparlers en cours, dans une posture diplomatico-stratégique impliquant anticipation, réactivité, souplesse et pragmatisme afin, principalement, d’arracher à l’agresseur rwandais les prétextes et alibis fantasmagoriques de sa bellicosité caractérisée et récurrente à l’encontre de la République démocratique du Congo.
II. De la Rébellion Le M23, puisque c’est de lui dont il est question, en l’espèce, a des comptes gravissimes à rendre à la République à un double titre : D’une part, du chef de complicité à l’agression indirecte de la RDC pour avoir servi de bras séculier aux troupes rwandaises par un comportement en rupture flagrante avec l’interdiction conventionnelle du recours à la force dans les relations entre Etats.
D’autre part, du chef d’avoir attenté à l’exercice du droit à la paix et à la sécurité des congolais en utilisant une portion du territoire national comme base de départ d’activités subversives contre l’Etat congolais en violation patente des dispositions pertinentes de l’article 52 de la Constitution.
Il importe de relever, sur ce chapitre, que l’invocation par les leaders de la «rébellion» de l’article 64 de la Constitution, comme fondement juridique de leur aventure déstabilisatrice est d’autant plus péremptoire qu’elle est, dans le cas d’espèce, en vertu de la disposition constitutionnelle précédente, irrémédiablement téméraire et, partant, irrelevante. En tout état de cause, quand bien même la référence à l’article 64 de la Constitution serait topique in casu, ces leaders seraient-ils, pour autant, légitimés, sous prétexte de faire respecter la Constitution, d’enfreindre outrancièrement une prohibition impérative découlant de la norme suprême congolaise en son article 52 précité ? Dans l’affirmative, on serait confronté à une contradiction insoluble, celle consistant à empêcher une atteinte à la Constitution en usant d’une entorse à la même Constitution (sic).
III. Du dialogue en interne Devenu une tradition en RDC (praeter constitutionem), le principe de dialogue politique en format Table Ronde, Conférence voire Concertation, a souvent contribué à la résolution des grandes crises politiques et demeure, en la matière, un recours important et, au besoin, inévitable, en dépit du cadre institutionnel existant. Cependant, la crise qui sévit actuellement dans la partie orientale de la RDC a principalement pour origine l’agression dont notre pays est l’objet et qui a été exécutée par le Rwanda en deux temps. D’abord, indirectement, par procuration, à travers le M23 interposé et, ensuite, directement et de manière cavalière moyennant franchissement, par les troupes des RDF, des frontières internationales de la RDC.
Cette violation de l’intégrité territoriale de la RDC a été formellement documentée, actée et condamnée par la Communauté internationale, notamment, à travers la Résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations unies. En ordonnant au Rwanda, par cette Résolution votée à l’unanimité en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, de retirer immédiatement et sans conditions préalables ses troupes du territoire congolais et de cesser tout appui au M23 auquel il est fait obligation de se retirer des zones qu’il occupe non sans procéder au démantèlement des structures administratives parallèles mises en place, le Conseil de sécurité confirme sans ambages le caractère indéniablement inter-étatique du conflit et déjoue les manœuvres classiques de Kigali d’internaliser insidieusement celui-ci par le déploiement du M23.
Il importe de relever à ce propos, que « la notion d’intervention indirecte impliquant la menace ou l’emploi de la force est équivalente à celle d’agression directe ». Dès lors, il s’impose d’opérer une déliaison de l’agression, qui reflète la dimension externe de la crise, et les controverses voire les remous qui mettent la classe politique congolaise en ébullition au plan interne. Ce faisant, il est urgentissime que les acteurs politiques congolais, toutes tendances confondues, mettent impérativement et momentanément leurs divergences sous cloche en libérant leurs réflexes patriotiques et s’assignent unanimement pour mission primordiale, le devoir sacré de venir à bout de l’agression à laquelle la RDC fait face. En effet, préconiser un dialogue interne au moment où une partie du territoire est encore sous occupation, ce serait faire le jeu du Rwanda en devenant ses alliés objectifs et consacrer, du coup, la banalisation de l’agression.
Autrement dit, pendant que la Maison congolaise brûle, certains compatriotes se complaisent de regarder ailleurs, se résignant à avaliser le fait accompli, un positionnement politique qui frise une reddition pure et simple.
Par conséquent, oui au dialogue interne mais après cessation de l’agression, moyennant une préparation méticuleusement inclusive et dans le respect scrupuleux du principe éminemment constitutionnel de la laïcité. C’est une question de priorité voire de temporalité.
IV. De la déclaration de principes La Déclaration de principes signée conjointement par les deux ministres des Affaires Étrangères de la RDC et du Rwanda a été conçue sous forme des termes de référence qui servent de guide aux négociateurs de deux pays dans la déclinaison des préoccupations de chaque délégation en vue de l’élaboration de l’avant-projet de l’accord de paix devant sanctionner la fin du conflit et, conséquemment, le rétablissement et la normalisation de leurs relations bilatérales.
Lorsque le compromis sera dégagé sur l’avant-projet dans le respect strict de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque pays et moyennant le quitus de deux Chefs d’Etat, viendra ensuite l’étape de la signature de l’accord proprement dit par les deux ministres entourés de leurs Présidents respectifs, sous l’égide américaine, et en présence des différents médiateurs et facilitateurs. Du côté de la RDC, dès lors qu’il s’agira d’un accord de paix, celui-ci devrait requérir, pour sa ratification par le Chef de l’Etat, l’autorisation du Parlement conformément à l’article 214, alinéa 1er de la Constitution. A cet effet, un projet de loi sera soumis par le Gouvernement au Parlement qui, après débats dans les deux chambres, devra, par une loi, accorder au Chef de l’Etat l’autorisation de ratifier l’accord de paix. Aussi y a-t-il lieu de rassurer l’opinion sur la transparence qui préside à la conclusion de cet accord ainsi que sur la préservation des intérêts fondamentalement souverains de la République.
V. Du partenariat stratégique entre RDC et USA La République démocratique du Congo n’est pas seulement un scandale géologique, elle baigne, en réalité, dans une surabondance des ressources d’une variété insoupçonnable dans presque tous les secteurs. Le problème réside dans le fait que plus de soixante ans après son accession à la souveraineté internationale, le pays ne dispose pas encore ni de l’expertise ni de moyens conséquents pour exploiter et transformer seul ces ressources afin d’améliorer les conditions de vie de sa population et de rattraper son retard en matière de décollage socioéconomique.
Pour résoudre ce lancinant paradoxe d’un pays potentiellement riche mais réellement pauvre, la République démocratique du Congo est, pour son développement, à l’instar des nouveaux pays émergents, impérativement tributaire des immenses capitaux extérieurs en circulation à travers le monde, en quête d’opportunités d’investissements, dans le cadre des partenariats mutuellement bénéfiques. Du reste, si même les pays postindustriels continuent à être constamment et activement compétiteurs dans la course aux investissements directs étrangers, la République démocratique du Congo classé pays moins avancé, ne saurait a fortiori nullement s’en passer. En effet, dépositaire d’atouts significatifs en la matière, la RDC a vocation naturelle à devenir un eldorado pour les investisseurs potentiels du secteur privé, meilleur créateur d’emplois décemment rémunérateurs et de richesses.
Pour ce faire, le pays doit instaurer et renforcer son attractivité par l’assainissement de l’environnement des affaires, à commencer par le rétablissement de la paix et de la sécurité, et œuvrer non seulement à la diversification des investissements mais aussi à la multiplication des partenaires. C’est dans ce cadre que s’inscrit le partenariat stratégique RDC/USA en gestation, lequel est appelé à substituer, notamment à l’Est de la RDC, l’implantation formelle des entreprises américaines à l’exploitation artisanale et informelle des ressources minérales, cause de manque à gagner pour le Trésor public et propice aux convoitises voire aux pillages extérieurs.
N’en déplaise donc à la désinformation rampante, cette initiative, loin de relever d’un prétendu bradage de nos précieuses potentialités, procède plutôt d’une diplomatie entrepreneuriale et postule un deal réciproquement et spécifiquement avantageux pour les deux pays. La singularité de ce partenariat consiste particulièrement dans le fait qu’en plus de la formalisation de la production, de l’exploitation et de la transformation des minerais, sans omettre le transfert de technologie, il constitue un gage sécuritaire pour la République dans la mesure où le simple avènement des entreprises américaines dans la région est dissuasif aux velléités prédatrices et expansionnistes des pays voisins.
De surcroît, la pénétration du marché congolais par les entreprises américaines est de nature à provoquer un effet d’entraînement et, en l’occurrence, à vaincre la réticence d’autres investisseurs potentiels. Kinshasa, le 23 Mai 2025
Analyse des enjeux sociaux et politiques en RDC.
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